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Un peu de baume sur la plaie du cynisme

Par Arthur Légaré


Maintenant que le confinement (re)bat son plein au Québec, nous voilà pour la plupart dispensés de ce temps fou perdu sur la route, entre le travail et la maison. Il est vrai, certes, que ce manque d’interactions humaines est dur à pallier avec les technologies, mais fort à parier que nous avons désormais plus de temps pour réfléchir aux enjeux que ce quotidien auparavant chargé nous étouffait entre deux prises de position précipitées. Comble de l’ironie, ce même quotidien auquel tant tiennent est bien souvent tributaire d’enjeux dont le niveau d’intérêt populaire est noyé par le cynisme ambiant. À mes yeux, ce temps d’arrêt imposé est donc la conjoncture idéale pour repenser notre attitude face à l’action citoyenne, aux formes de cynisme et aux nombreuses crises qui secouent nos sociétés. Voici quelques pistes de réflexions.



Prendre l’avion comme un taxi

Comme ce Claude Dubois d’une autre époque qui disait prendre « l’avion comme un taxi » dans la chanson Femmes ou filles, il n’y a à peu près pas de retenue à l’achat d’un billet d’avion quand on en a les moyens. Moi le premier : j’ai eu le privilège de prendre l’avion à trois reprises dans ma vie. C’est que, dans notre société, le principe de pollueur-payeur est très peu implanté. À l’heure actuelle, la taxe carbone a une portée assez limitée : les dépenses du consommateur québécois moyen n’en sont que très peu modifiées. Et, comme on l’a vu avec le mouvement contestataire des Gilets Jaunes en France, la taxation des hydrocarbures – desquels dépend une classe moyenne déjà aux prises avec l’endettement – se digère parfois assez mal. Dans un autre registre, il faut noter que la part du marché des VUS, véhicules pourtant plus dispendieux que leurs équivalents de plus petite taille, a progressé considérablement ces derniers années, alors même que la population se dit de plus en plus conscientisée. Quant au trafic aérien, voilà quatre décennies qu’il double à chaque quinze ans, et ce, même si les efforts technologiques conjugués à la minimisation de l’impact environnemental des avions sont loin de pouvoir compenser cette hausse considérable en émissions de GES.



Un moral dans les culottes, mais plus pour longtemps

Au vu de ces tendances sociétales propres au Québec contemporain, il est légitime de remettre en question la sincérité de la conscience environnementale de certains. Il n’est pas rare d’entendre l’opinion voulant que toute responsabilité d’action doive se décharger du citoyen de manière à s’attribuer à un système, un gouvernement ou des entreprises… bref à se délocaliser progressivement de cet individu qui, au fond, n’a aucune soi-disante capacité d’influence sur le cours des choses. En ce sens, il est vrai qu’il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de ces structures qui définissent l’organisation de notre société. Toutefois, à telle prise de position, le danger d’un cynisme ambiant est bien réel ; il nous éloigne toujours plus d’une prise en main digne de ce nom. Mis à part la démoralisation et le détachement vis-à-vis nos institutions démocratiques, je ne vois pas vers où cela nous mène et si cela apporte un quelconque bénéfice à la situation. Qu’on le veuille ou non – et bien heureusement selon moi –, la démocratie définit les différentes structures organisationnelles de notre société. À coups de désintérêt et d’abandon pour la chose, des autorités externes opportunistes – pas toujours dans l’intérêt supérieur de la nation – peuvent user de leurs sphères d’influence pour progressivement s’immiscer dans nos décisions. Par là, j’entends la corruption, la collusion, les manquements éthiques et les autres calamités auxquels certains dirigeants se donnent à coeur joie, sous le regard impassible d’une population qui a perdu confiance en ses institutions. Sur ce point, je crois que l'étaiement de ce que j’avance est superflu : regardons simplement au sud de la frontière pour voir ce qui se trame.


Je crois qu’il faut se réapproprier les enjeux collectifs qui impactent notre quotidien, à commencer par cette crise environnementale qui est bien réelle. Dans un système démocratique comme le nôtre, il faut donner tort à ceux qui considèrent le citoyen comme une simple marchandise électorale. Et surtout, il ne faut pas avoir peur de s’engager. Ne cédons surtout pas face au cynisme ambiant.




RÉFÉRENCES

Article relatant un sondage Mainstreet s’intéressant au niveau de préoccupation environnementale des Québécois :


Article sur la croissance du trafic aérien mondial :

Jean-Baptiste Fretigny. Aéroport : non-lieu ou point d’ancrage du Monde ?. Cynthia Ghorra-Gobin. Dictionnaire critique de la mondialisation, Armand Colin, pp.30-35, 2012.


Rapport 2020 de l’état de l’énergie au Québec par la Chaire de la gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal (voir tableau 8, p. 35) :



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