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CARPE DIEM : Aventure Québec


Par: Taomie Pépin


Illustration par Laura O'Brien


Les voilà qui partaient… Les voilà avec leur voiture qui s’éloignait… Les voilà qui retournaient de là où ils venaient…

Sans moi.


Car ma vie était ici maintenant. Car c’était là que mon chemin se séparait d’eux. Ces larmes silencieuses que j’essuyais sur mes joues. Cette envie de leur crier de revenir, que je veux revenir. Parce qu’au fond, je voulais revenir.


Je fis volte-face et je gravis les escaliers qui menaient à ma chambre.

Ben oui! C’est ça! « Ma chambre », pensai-je, sarcastique.


En ouvrant la porte, le silence, la tranquillité, la liberté me submergèrent. Le silence que j’avais souvent demandé. La tranquillité que j’avais toujours recherchée. La liberté que j’avais longtemps voulue.


Mais je ne les voulais plus.


Car être en appartement, c’était devenir un adulte. Cette étape alléchante. Ce tournant excitant. Ce changement inoubliable. Ce qu’on ne m’avait pas dit, c’était qu’une fois ce moment à vos portes, vous voulez à nouveau vous réfugier dans les bras de votre maman. Vous voulez prendre le temps de vous prélasser sous la douche sans penser à l’électricité que vous gaspillez. Vous voulez revenir du cégep en sachant que vous aurez un bon repas sur la table et pas ce plat congelé à la texture douteuse. Être adulte, c’était devenir la seule personne sur qui on peut compter.


Et tout ça, toute cette transition, ça se déroule en une fraction de seconde. L’instant d’après, il est déjà trop tard.


Être adulte, c’était certes la liberté, mais la liberté vient avec des responsabilités.

Les factures de cellulaire, d’Internet, d’électricité. La planification d’un budget. Faire l’épicerie. Payer ses livres d’écoles. Un emploi étudiant? Implication sociale? Envie de faire du sport? Et les dépenses s’accumulent. Puis, on n’a pas le droit d’échouer. Malgré l’anxiété qui vous gagne, vous devez continuellement continuer de performer parce que faire une erreur ou juste renoncer n’est pas une option. Du moins, ça ne l’était pas pour moi.


Mais comment suis-je supposé gérer ça? me demandai-je. Comment me trouver un emploi? Et si personne ne me rappelle? Mais comment est-ce que je vais faire pour arriver à la fin du mois? Je veux manger au restaurant un midi, mais est-ce une bonne idée? Ma famille me manque. Je dois faire la vaisselle, passer le balai. Ah, puis, il est quand mon cours en ligne déjà? Rencontre à 16h avec l’enseignante de français. Mes amis me manquent… ma ville me manque. Mon insouciance me manque.


Allongée sur mon lit et fixant le plafond de ma chambre, le hamster dans ma tête tournait, tournait et tournait. Demain, c’était ma rentrée. Une rentrée stressante dans un contexte étrange au milieu d’inconnus. Parce que je venais de loin. Parce que la pandémie était encore là. Parce que la nouveauté, l’adaptation, l’inconnu étaient tout simplement stressants.

Voilà une semaine de passée… Voilà une adaptation entamée… Voilà le stress accumulé. Des amis qui étaient loin, une famille qui me manquait. Je ne connaissais encore personne. Les cours en ligne n’étaient pas exactement l’occasion idéale pour se faire de nouveaux amis. J’avais parlé à un ou deux gars dans ma classe d’anglais. Puis, à une fille dans mon cours de mathématique. Pourtant, je n’avais pas encore l’impression d’avoir ma place. Pourtant, je trouvais que le temps passait lentement. Pourtant, j’avais le mal du pays dans mon propre pays.


Vous me manquez! mon cœur avait-il envie de crier.


Le cerveau toujours en marche, toujours en train de penser à si j’avais tout fait. En train de faire des devoirs, de faire à manger ou de dormir. Rien d’autre. Réfléchir à cette liste de plus en plus longue de choses à faire, à ne pas oublier. Parce qu’il y avait des échéanciers à respecter, des dates butoirs et tant de choses que je ne maîtrisais pas encore.


Puis, ces derniers jours, je ressassais la même chose… les mêmes pensées… les mêmes doutes…


Mais pourquoi suis-je venu ici? Pourquoi avoir choisi ce cégep? Pourquoi ne pas être resté au cégep de ma ville natale? Pourquoi dépasser de l’argent pour un appartement qui me sert à suivre des cours en ligne que je pourrais suivre chez moi, mon vrai chez-moi?


Ainsi, les regrets me submergèrent… Ainsi, je doutai de ma décision… Étrangement, j’étais en paix avec ces remords. Triste du manque qui me rongeait le cœur, stressé par mes responsabilités, tourmenté par mes questions incessantes, exténué de devoir prendre des décisions.


Avais-je pris les bonnes?


Avec toutes ces réflexions, j’en venais toujours à cette même conclusion : j’aurais préféré choisir le temps qui passe rapidement près de ceux que j’aime plutôt que celui qui passe lentement, seul dans un appartement auquel je n’étais pas habitué.


Mais je savais que même si j’étais laissé à moi-même, même si je voyais mon compte en banque diminuer dans une chute libre inquiétante. Je savais qu’un jour cela passerait. La liberté venait avec un prix, mais un jour elle serait payante. Un jour, je connaitrai les personnes qui suivent mes cours. Un jour, j’aimerai vivre dans cette nouvelle ville. Un jour, je me sentirai bien, à ma place.


Parce que ceux qui se battent atteignent toujours leur objectif. Parce que ceux qui y croient vont jusqu’au bout. Parce que chaque décision a quelque chose à apporter. Parce que ceux qui assument leur choix finissent toujours par en sortir la tête haute. Parce qu’au fond, je n’avais pas d’autre choix que de réussir.


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