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Les partis fédéraux et l'environnement

par: Louis-Philippe Bateman



Avec la quantité phénoménale d’informations qui circulent à propos de l’élection de 2019 et du temps que requiert la lecture des plateformes des partis, il peut parfois être difficile de se dresser un bilan de ce qui est proposé.


L’article est divisé en six sections, chacune traitant d’un des six partis invités aux débats nationaux télévisés. Un bilan de leur plan environnemental sera présenté dans chaque section ainsi qu’une brève critique.Le plan environnemental des partis est disponible sur les sites web des partis et dans les médias, bien sûr, mais aussi dans une forme plus complète synthétisée à la fin de cet article.


1. Parti populaire du Canada (PPC)


1.1 Bilan

Bien que ce parti néophyte ne soit pas typiquement inclus avec les « grands partis », sa récente invitation au débat national télévisé impose une analyse de son plan environnemental.Son plan se nomme Réchauffement planétaire et environnement : Rejeter l’alarmisme et se concentrer sur des améliorations concrètes


S’il remportait l’élection, le PPC se retirerait de l’Accord de Paris, cesserait d’envoyer des subventions aux pays en développement pour réduire leurs émissions et abolirait la taxe carbone, et, si des changements climatiques naturels ont lieu, il investirait dans des stratégies d’adaptation.


1.2 Critique

Il est difficile de faire une analyse objective du plan absurde du PPC. Il va sans dire que les changements climatiques sont un phénomène très bien appuyé par les observations scientifiques et qu’il existe un consensus scientifique sur la question.La seule promesse ayant réellement un impact bénéfique potentiel est celle d’investir dans les stratégies d’adaptation, mais vu le fait que très peu de détails sont donnés, il est probable que cette promesse ne soit pas réalisée.En fin de compte, le PPC est probablement le seul parti qui déclare ouvertement vouloir faire régresser le Canada en matière d’environnement.


2. Parti conservateur du Canada (PCC) :


2.1 Plan

Le plan du PCC compte au total 55 promesses. Son cheval de bataille est sans doute les incentives économiques qu’il veut mettre en place. Par exemple, il souhaite obliger toutes les entreprises qui dépassent un certain quota d’émissions de GES à investir de l’argent pour chaque tonne de plus de GES dans leur propre compagnie afin de financer des technologies pour réduire les émissions. Une autre promesse similaire est de donner un crédit d’impôt de 20 % sur tout montant de plus de 1000,00 $ avec un retour maximal de 3800,00 $ par année aux propriétaires qui rénovent leurs propriétés pour les rendre plus écoresponsables.Le PCC suggère aussi différentes mesures pour que l’environnement soit plus propre, comme la Stratégie nationale sur les espèces exotiques, le Programme d’intendance des habitats pour les espèces en péril, le Programme de conservation du patrimoine naturel et le Fonds national de conservation des milieux humides, entre autres.Dans la dernière section de son plan sur les changements climatiques, le PCC explique qu’il respectera les cibles de l’Accord de Paris, soit de réduire les émissions de GES de 30 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. De surcroît, il lancerait l’image de marque« éco-canadien » pour les produits canadiens écologiques.


2.2 Critique

Le plan du PCC compte un relativement haut nombre d’engagements (55), toutefois, leur efficacité est douteuse. Bien que plusieurs soient quantifiées avec des sommes d’argent qui leur sont attribuées, toute promesse qui parle d’environnement n’est pas nécessairement environnementale. Par exemple, travailler pour trouver la définition des voies de navigation flexibles risque d’enlever la protection à certaines régions maritimes, notamment dans le Golfe du Saint-Laurent, où vivent les baleines noires de l’Atlantique au bord de l’extinction à cause de collisions avec les bateaux.Quant aux cibles de réduction de GES des conservateurs, bien que régies par l’Accord de Paris (lui-même jugé insuffisant par plusieurs experts), elles sont insuffisantes et non légiférées pour s’assurer qu’elles aient lieu.Des experts ont même montré que les promesses des conservateurs seraient insuffisantes pour avoir un réel impact sur l’environnement, surtout le climat.En conclusion, le Parti conservateur dresse un plan environnemental plus étayé qu’il ne l’a fait auparavant. Cependant, en tenant compte de sa philosophie pro-économie et pro-énergie fossile, il est peu probable que toutes ses promesses se concrétisent et qu’elles soient suffisantes si le PCC venait à être élu.


3. Parti libéral du Canada (PLC)


3.1 Plan

Tout d’abord, en ce qui a trait aux changements climatiques, le PLC s’engage à réduire les émissions de GES de 30 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005 et d’avoir un bilan d’émissions neutre d’ici 2050 avec des arrêts légaux à tous les cinq ans.Un gouvernement du PLC bannirait les plastiques à usage unique d’ici 2021, les centrales de charbon d’ici 2030 et la vente des véhicules à combustion d’ici 2040.En termes d’incentives économiques, il créerait des subventions pour les maisons zéro émission, réduirait de moitié le taux d’imposition des entreprises qui conçoivent des technologies carboneutres et prêterait jusqu’à 40 000,00 $ aux propriétaires qui veulent rendre leurs maisons écoénergétiques.Pour ce qui est de la protection de l’environnement, les Libéraux souhaitent protéger 25 % de la superficie terrestre et océanique du Canada, en visant 30 % d’ici 2030.Le PLC veut aussi planter 2 milliards d’arbres sur 10 ans au coût de 3 milliards de dollars en utilisant les revenus du pipeline Trans Mountain.


3.2

Le plan du PLC a une bonne image, mais a plusieurs lacunes. Tout comme pour les conservateurs, les cibles du Canada dans l’Accord de Paris ont été jugées insuffisantes pour réussir à maintenir le réchauffement sous le seuil de 1,5 °C.Le faible effectif de promesses parle beaucoup, malgré la bonne image de certaines, notamment de planter 2 milliards d’arbres sur les prochaines 10 années. Ce serait en fait une réduction du nombre d’arbres plantés de toute façon par le Canada dans ses efforts de reforestation habituels (quoiqu’il est probable que ce sera en plus des arbres étant déjà plantés annuellement par le Canada). Et bien que la reforestation demeure une excellente idée, les forêts n’atteignent leur pic de séquestration de carbone qu’après des années de croissance.Donc, le manque de détails et le faible nombre de promesses rendent le plan environnemental du PLC moins solide qu’il ne le paraît.


4. Bloc Québécois


4.1 Plan

Le Bloc Québécois modifierait la péréquation pour que ce soit les provinces dont les émissions de GES sont les plus élevées par habitant qui versent les revenus aux provinces les moins polluantes.Le Bloc Québécois promet d’atteindre les cibles de l’Accord de Paris et obligerait le gouvernement de tenir compte des effets de ses actions sur ses cibles, en créant une loi avec des révisions aux quatre ans. Il n’approuverait pas le projet Énergie Est et arrêterait de subventionner les énergies fossiles.Le Bloc Québécois souhaite aussi ajouter plus de rabais à l’achat d’un véhicule hybride ou électrique et obligerait chaque manufacturier à vendre un minimum de voitures à zéro émission en fonction du nombre de voitures à essence vendues.Finalement, il éliminerait les pesticides qui tuent les abeilles comme les néonicotinoïdes.


4.2 Critique

Il est évident que le plan environnemental du Bloc Québécois est centré autour du Québec, et en cela réside une de ses lacunes.Hormis ce défaut, l’idée de la péréquation verte pourrait effectivement engendrer une compétition saine entre provinces pour moins polluer, mais ne risque pas de plaire à tous.Somme toute, le Bloc Québécois présente un très court plan environnemental, centré autour du Québec, mais qui compte néanmoins des idées valables.


5. Nouveau Parti démocratique du Canada :


5.1 Plan

Le plan des néo-démocrates contient de nombreux engagements et embrasse l’idée d’un revirement vert du pays passant par l’économie, qui pourrait être comparé au Green New Deal de Alexandria Ocasio-Cortez du côté des États-Unis.En premier lieu, il souhaite réviser les objectifs de réduction d’émission du Canada d’ici 2030 pour qu’ils concordent avec ce que le GIEC suggère pour rester sous le seuil des 1,5 °C et utiliserait ses pouvoirs pour les atteindre. Un Bureau indépendant de la responsabilité climatique serait créé pour diffuser des informations à propos des mesures climatiques auprès de la population.Pour ce qui est de l’économie verte, le NPD dit qu’il créerait 300 000 emplois lors de son premier mandat et offrirait des programmes de formation et de reconversion d’emploi.Le NPD souhaite aussi créer une Banque canadienne pour le climat, qui disposerait de 3 milliards de dollars pour financer les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les technologies à faible émission de carbone, ce qui permettrait, dès 2030, de rendre l’électricité carboneutre au Canada.En matière de protection, les néo-démocrates créeraient une Charte fédérale des droits environnementaux pour garantir le droit à une eau, une atmosphère et des terres non polluées. Ils banniraient les substances toxiques dans les produits quotidiens ainsi que les plastiques à usage unique d’ici 2022. Plus globalement, ils protègeraient un minimum de 30 % de la superficie des eaux et des terres au Canada d’ici 2030.Le NPD veut financer la mise en place, la modernisation et la gratuité des transports collectifs et appuierait la construction d’un train à grande fréquence entre Québec et Windsor. Il désire aussi subventionner les véhicules zéro émission, dans le but qu’ils composent tous les véhicules neufs vendus au Canada en 2040.


5.2 Critique

Globalement, le plan du NPD est ambitieux et n’est probablement pas assez solide pour faire ce qu’il promet.Tel que l’ont mentionné des critiques, certaines politiques suggérées ne sont pas assez contraignantes pour fonctionner tel que prévu.Néanmoins, le NPD présente un plan qui ressort de ceux des partis plus centristes et de droite par son adoption de l’idée du revirement vert.


6. Parti vert du Canada


6.1 Plan

Le plan des verts est un plan aux nombreuses facettes et englobe la majorité de la plateforme électorale du parti.Pour les changements climatiques, le Parti vert souhaite réduire les émissions de GES de 60 % d’ici 2030, toujours par rapport aux niveaux de 2005. Pour atteindre ses cibles, le gouvernement vert fixerait des limites d’émissions qui diminueraient progressivement, sanctionnerait les excès, préserverait la taxe carbone en l’étendant à toutes les sources de dioxyde de carbone et créerait un cabinet transpartisan (avec tous les partis) contre les changements climatiques.En termes d’énergie, les verts refuseraient tout nouveau projet d’énergie fossile, mais laisseraient finir les chantiers existants entre 2030 et 2035. Ils interdiraient les activités de fracturation hydraulique. Le projet Trans Mountain serait annulé et le financement serait redirigé vers le réseau électrique et les énergies renouvelables.Un gouvernement vert financerait les améliorations écoénergétiques et modifierait le Code du bâtiment national pour que toutes les nouvelles constructions soient à zéro émission d’ici 2030.Les Verts interdiraient aussi la vente de véhicules de promenade à moteur de combustion interne d’ici 2030 et exempteraient tous les véhicules électriques ou à zéro émission de la taxe de vente fédérale.Ils financeraient davantage le transport ferroviaire pour augmenter les réseaux régionaux. Ils construiraient aussi un train à haute vitesse entre Toronto, Ottawa et Québec ainsi qu’entre Calgary et Edmonton. Le carburant du transport aérien serait taxé, et un fonds d’infrastructure pour le vélo et la marche serait créé.Le Parti vert souhaiterait renouveler et établir de nouvelles normes pour que l’agriculture soit plus écologique, comme en limitant l’usage des engrais azotés. Il adopterait aussi une législation sur le bien-être animal. Qui plus est, il renforcerait les lois et mettrait en place des stratégies pour réduire les produits toxiques comme les pesticides agricoles, les néonicotinoïdes et le glyphosate, ainsi que les produits toxiques dans les produits d’hygiène personnelle.Le Parti vert souhaite protéger 30 % des eaux douces, océans et terres d’ici 2020 et investirait pour créer des aires de conservation protégées par les Autochtones. Il rétablirait aussi la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale.Pour ce qui est des déchets et du plastique, les Verts adopteraient un programme de responsabilité élargie des producteurs pour que ceux-ci tiennent compte de la durée de vie complète de leurs produits, et exigeraient que tous les produits soient recyclables. D’ici la fin de leur premier mandat, ils interdiraient la production, la distribution et la vente de produits superflus faits en plastique à base de pétrole d’ici 2022 ainsi que quelques autres politiques.


6.2 Critique

Le plan du Part vert englobe presque tous les enjeux environnementaux au Canada. Cependant, tel que l’ont mentionné les critiques, c’est un plan ambitieux, et certains y voient des incohérences et des problèmes dans l’attribution du budget.Plus précisément, certaines promesses sont jugées irréalisables, comme celle de rendre tous les bâtiments au Canada carboneutres d’ici 2030. Des coûts exorbitants, supérieurs à ceux anticipés dans le budget du parti, sont à prévoir.Toutes les idées proposées du Parti vert ne font pas l’unanimité non plus; le cabinet transpartisan sur les changements climatiques, par exemple : une façon autoritaire de procéder avec les choses pour certains, un moyen d’enlever la partisanerie des changements climatiques pour d’autres.En fin de compte, le Parti vert propose un plan qui, s’il fonctionnait, ferait du Canada le pays le plus environnementaliste au monde. Mais, ses chances de réussite sont controversées.


Conclusion :

En conclusion, aucun parti ne propose de plan parfait.Le plan du Parti populaire du Canada est une vraie blague. Le Parti conservateur n’en ferait pas assez pour l’environnement, malgré son haut nombre de promesses. Les Libéraux, malgré l’image très environnementale qu’ils tentent de projeter, ne se démarquent pas. Le Bloc Québécois propose des politiques relativement innovatrices, mais (évidemment) exclut le reste du Canada dans leurs propositions. Le Nouveau Parti démocratique présente un plan assez complet pour un revirement vert de l’économie, sans donner trop de détails et de preuves, toutefois. Le Parti vert présente un plan complet pour à peu près tous les enjeux environnementaux aux pays, mais la faisabilité du plan et les coûts projetés par le parti sont difficiles à assurer.En outre, de nombreuses promesses des partis s’entrecoupent ou sont carrément les mêmes, notamment en ce qui est de l’écoénergétisme, des subventions sur les technologies vertes et de la protection de l’environnement. Bref, sur une base purement environnementale, le choix est difficile à faire.Au bilan, continuez à vous informer sur la politique, et, que l’environnement vous préoccupe ou non, votez.

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