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CARPE DIEM : 99% de bonté

Par Taomie Pépin


Il y a trois types de personnes sur cette planète: celles qui s’efforcent à toujours devenir meilleures, celles qui vivent sans regarder en arrière, et puis, il y a moi, celle qui veut être la meilleure personne possible et qui échoue sans cesse.


Pendant plusieurs jours, on m’avait répété qu’elle ne valait pas la peine, que j’avais assez donné, que je ne devais pas me laisser marcher sur les pieds. J’avais pleuré. Beaucoup. Immensément. Trop. La douleur que je ressentais au fond de mon cœur, cette envie de crier parce qu’elle venait de détruire une partie de moi, une partie de la stabilité qui m’habitait, une partie de mon univers.


Comment peux-tu détruire toute une histoire comme ça? Comment peux-tu tout laisser tomber sans rien me dire? Comment peux-tu me faire ça? À moi, ta meilleure amie, celle qui t’a toujours soutenue, celle qui t’a amenée en France pour que tu puisses rencontrer sa famille. Je voulais seulement ton bien…


C’était plus de 6 ans d’amitié qu’elle venait d’envoyer aux poubelles. Et ce, sans que je le sache vraiment parce qu’elle ne m’avait rien dit. Le silence avait été son choix. J’avais été quelques semaines, là, en train de poireauter, à attendre, à me demander. Puis, une de ses amies étaient venues me le confirmer. Parce qu’elle, elle avait eu le courage de m’affronter.


Dire que Charlie se croyait courageuse.


Ce fut à ce moment que je compris que Charlie, ma meilleure amie, m’avait enlevé de sa vie de la même manière qu’on décroche un tableau. Quand j’entendis ces mots pour la première fois, j’eus envie de hurler, d’aller lui crier toutes les insultes du monde, de sortir ma colère, mon indignation, ma douleur. Elle n’était pas la seule à souffrir. Cela était tout simplement injuste, insensé, égoïste.


Connaissait-elle les démons qui m’habitaient? Savait-elle pourquoi mes notes avaient chuté? Se doutait-elle de l’angoisse qui me nouait l’estomac dès que je rentrais à la maison?


Malgré cette frustration, malgré toutes les bonnes raisons que j’avais pour lui en vouloir, malgré tant de choses, je voulais qu’elle sache que je ne voulais que son bien. Je voulais lui dire que j’étais là. Je voulais lui dire que je l’aimais encore. Je voulais lui partager ce sentiment de culpabilité qui me mangeait. Car j’avais failli. Car j’avais échoué. Car elle comptait sur moi. Je voulais qu’elle me pardonne tout ça.


Elle croit que tu ne l’as pas respectée. Elle dit que tu as dépassé les bornes. Puis, elle t’en tient rigueur à cause de l’été passé. Elle est gonflée à bloc. À ses yeux, tu es celle qui lui fait du mal, m’avait annoncé la véritable courageuse.


Puis, ces mots s’étaient tatoués sur mon cœur avec toute la douleur qui venait avec. Ces mots, je les avais entendus en boucle jusqu’à ce moment précis où un ange m’avait soufflé la réponse. Cet ange m’avait rappelé à quel point j’avais donné, à quel point je valais mieux, à quel point je méritais le respect. Selon lui, j’avais passé les derniers mois à être la seule à s’investir. Selon lui, je méritais une amie qui se souciait de moi. Selon lui, elle devrait faire les premiers pas pour s’excuser.


Alors qu’il répétait ces mots, je m’étais mise à le croire. J’avais commencé à prendre conscience d’une vérité que j’évitais. Ce fut pourquoi, le lendemain, je pus mettre les souliers qu’elle m’avait donnés, souliers que j’avais voulu brûler, jeter, retourner à leur propriétaire. Je pus regarder un dessin qu’elle m’avait fait à l’époque où elle me prenait encore pour son amie.


Ces pensées négatives me revenaient parfois. Cette impression que notre histoire n’avait été pour elle qu’une mascarade. Ce sentiment qu’elle avait profité de moi jusqu’à ce qu’elle n’ait plus besoin de moi. Après une telle apparition, un peu de culpabilité venait me hanter jusqu’à ce que les belles paroles de l’ange me reviennent en tête.


Tout ça à cause d’un chien tannant que je n’avais pas pu garder. Tout ça à cause des allergies de mon père. Tout ça à cause de ce changement brusque de propriétaire.


Si seulement elle était venue le porter chez moi…

Tout ça parce que mes parents allaient trouver une nouvelle maison à ce chien.

Si seulement elle m’avait écoutée…


C’était ça, mon échec. Ce qui avait occasionné ce problème, c’était ce chien que j’avais tenté de garder près d’elle et que j’avais dû laisser partir sans l’avertir puisqu’elle ne me répondait plus. À ce jour, cette longue tirade remplie de «si» me remonte parfois à la tête, et les paroles de mon sauveur reviennent toujours quelques secondes plus tard.


Quelques semaines auparavant, l’ange Gabriel, ce voisin de casier un peu trop mature pour son âge, m’avait dit : « Elle devrait être reconnaissante de ce que tu as fait pour elle. Elle aurait dû te respecter parce que tu as donné, encore une fois, ton 110% pour que quelque chose de quasi-impossible fonctionne. Elle devrait être reconnaissante car, comme toujours, tu as tout fait pour qu’elle se sente bien. Tout ce que tu mérites, c’est du respect et de la reconnaissance. »


S’il n’avait pas été là, j’aurais pu lui pardonner facilement tous ces agissements. Pas qu’elle eut tenté de me recontacter. Uniquement, que le deuil de son chien, quoiqu’elle aurait pu encore le voir, la colère qu’elle ressentait envers ses parents, qui avaient décidé de donner le jeune chiot, et la douleur qu’elle tentait de gérer elle-même auraient été des éléments suffisants pour accepter cet écart de comportement, les propos qu’elle avait tenus. Mais Gabriel avait changé la donne.


Après tout, il y avait peut-être plus de trois types de personnes dans ce monde. Je n’étais plus cette fille qui échouait à être une bonne personne. J’étais devenue la fille qui était pleine de bonté à 99%. Où était le dernier 1%? Il était pour moi. Pour que je puisse me respecter et partir, moi aussi, sans regarder en arrière parce que je méritais, moi aussi, du respect et de la reconnaissance.


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